52S – 52A Semaine 24 : Jules François JOUIN

52 Semaines pour nos découvrir 52 Ancêtres : 52 Poilus à l’honneur #52S52A

Introduction : https://aucoeurdupasse.com/2024/01/01/52-semaines-52-ancetres-nos-poilus-a-lhonneur/

La descente aux enfers …Quand la vie ne vous sourit pas…

« Aujourd’hui, la cour vous condamne à 20 jours de prison, Mr JOUIN !! » 

« Ça y est la sentence est tombé, je n’y échapperai plus, mais peut-être est-ce une bonne chose après tout. » 

Voici la pensée qu’aurait pu avoir Jules François JOUIN en ce 02 novembre 1917. Après tout, cela ne peut pas être pire que tout ce qui se passe dehors !! 

En effet, dehors, il pleut des obus, des bombes meurtrières qui donnent des énormes boutons de varicelle à cette terre qu’il affectionne tant. Jules a 34 ans. Et c’est la Guerre !

La « Minute familiale »
Il est né dans une famille qui vit dans la terre, pour la terre et au rythme de la terre beauceronne. Sa mère Ernestine Désirée FAVRE a 39 ans lorsque Jules vient au monde en ce 15 Avril 1883 à Béville le comte (28). C’est un beau bébé en bonne santé mais c’est encore un garçon, le quatrième. Tant pis, Ernestine se fait une raison, après tout cela fera toujours de bons bras qui ramèneront un peu de sous dans la maison. Ainsi se passe la jeunesse de Jules, à suivre ses grands frères et son père pour vendre ses bras, à surveiller les petits et aider sa mère comme il peut. 
Son acte de naissance présente une faute d’orthographe, il est déclaré JOIN, faute qui sera rectifiée aussitôt sans précision aucune. Déjà, à peine né, il est écorché. 

Lors du tirage au sort militaire dans le canton de Bonneval, il a le numéro 22. Mais après la visite médicale obligatoire, Jules François JOUIN, registre matricule 520/1903 est recalé, exempté du service militaire. Dans son certificat remis par le préfet, il y est noté : Arrêt de développement. Oui, d’accord, mais cela veut dire quoi exactement ?

Car Jules ne sait ni lire ni écrire donc il ne comprend pas ce qu’il lui arrive.

« T’es trop petit mon bonhomme !! » lui dira le médecin de famille.

« En voilà une bien bonne, j’ai 20 ans quand même, pas si petit que ça ». 

Fagoté comme un journalier de 50 ans, avec ses cheveux châtains foncés, ses yeux bleus, son front large, son nez long et rectiligne et son menton à fossette, Jules François est vexé.

« 1.51 m, c’est mieux que rien, mes petites jambes me portent partout dans les champs du coin et personne n’y trouve à redire ».  

En 1905, il rencontre Renée Florentine ROBINET, une sacrée bonne femme avec du tempérament, il aime ça. Il lui conte de belles histoires dans les bals de la région, probablement a-t-il réussi à se faire embaucher dans la même ferme qu’elle, pour être à ses côtés. Il l’épouse le 20 janvier 1906 à Bonneval. 

Alors s’annoncent quelques bonnes années qui lui donneront 4 enfants entre 1908 et 1913. 

Puis l’horreur arrive, la mobilisation est sonnée. Tout le monde est appelé même les petites tailles, tiens donc ! Il est classé dans le service armé par le conseil de révision le 08 décembre 1914, puis appelé au 29e Bataillon de chasseurs à pied le 22 février 1915. Peu de temps après, il intègre le 25e bataillon de chasseurs à pied le 14 mai 1915. 

« Minute Militaire » : Bataillon de Chasseurs à Pied.
Les BCP (bataillon de Chasseurs à pied) sont composés généralement d’hommes de petite taille, très vifs et excellents tireurs. Ces bataillons rapides agissent en tirailleur à l’avant de l’infanterie, en profitant des accidents de terrain pour se poster et viser.

La bataille de la Somme est la première offensive conjointe franco-anglaise.

Les forces britanniques lancent là leur première opération d’envergure, et tentent avec les troupes françaises de percer à travers les lignes allemandes fortifiées sur une ligne nord-sud de 45 km proche de la Somme, au nord de la France, dans un triangle entre les villes d’Albert du côté britannique, Péronne et Bapaume du côté allemand.

Mi-septembre 1916, Le BCP exécute une marche de 18 kilomètres pour aller cantonner à Guignemicourt, sauf la 2e compagnie qui reste à Clairy.

Le 15 au matin, les unités du 25e sont transportées en camions-auto au sud de Bray-sur-Somme. Le village et tous ses abords sont occupés par des troupes anglaises dont l’offensive se déroule méthodiquement en même temps que celle des Français.

Une activité extraordinaire règne dans ce coin de front. C’est un va-et-vient continuel de convois de ravitaillement de toute espèce. Le 21 septembre, on parle de reconnaissance du secteur, et les renseignements recueillis sont plutôt favorables.

Le 25 septembre est le jour J. 12h35 est l’heure H.

Bien emmenée, la 1re ligne atteint ses objectifs capturant de nombreux prisonniers ; à droite, la 1re compagnie dépasse largement la tranchée qui lui était assignée. Le capitaine DUREL, qui commande la 1re, tombe blessé à son tour ; c’est alors que les chasseurs de cette unité, voyant leur capitaine tomber, veulent venger la perte qu’ils viennent de subir, et enlèvent de haute lutte la tranchée ennemie, progressant plus loin encore.

C’est par des attaques continues que le bataillon progresse malgré toutes les pertes qu’il subi, 11 officiers et 450
hommes. Les obus tombent toujours autour d’eux, mais de nombreux actes héroïques individuels font que le 25e BCP est cité à l’Ordre du Corps d’Armée.

Jules François est blessé ce même jour et cette journée restera à jamais gravé dans sa mémoire et dans ses tripes. Il sort vivant de cette infâme bataille, vivant, mais blessé à jamais. Il sera évacué du front le 05 août 1917.

Malheureusement, il ne s’en remettra pas de cette fichue guerre, cette guerre qui continue de le hanter durant son sommeil. Apparaissant de temps à autre dans la maison familiale, Jules François repart aussitôt à travers champs pour gagner de quoi nourrir sa famille qui s’agrandit à chaque fois qu’il partage le lit de la belle Renée !! Une sorte d’exutoire pour retrouver un peu de douceur de vivre.

Nous revoilà en ce jour du 02 novembre 1917, condamné par le conseil de guerre de la 4e région dans sa séance du jour à 20 jours de prison pour : « outrages à agent de la force publique dans leur fonction et ivresse publique et manifeste. »

Des circonstances atténuantes lui sont admises. Ou peut-être était-ce pour fêter plus que dignement la naissance d’Emilienne Gilberte née 15 jours avant… Le pauvre homme, à croire que les horreurs de la guerre lui ont un peu dérangé les neurones, pendant quelque temps !! Et si par magie, cet enfermement forcé, lui redonnait un petit bout de ciel bleu, une lumière lui prouvant que la vie peut être belle malgré tout

Jules n’a jamais vraiment remonté la pente infernale de l’alcool et du désœuvrement, la guerre l’a tué à petit feu et malgré tout, il a continué à subvenir tant bien que mal à sa famille même si en y regardant de plus près, la belle Renée n’a pas résisté au charme de son frère Julien Léon, toujours à la maison, ou pas très loin.

Jules François est devenu aigri, solitaire. Être à la tête d’une grande famille l’importe peut-être peu ou il n’a pas le cœur à garder le sourire entouré d’enfants qui ont tant manqué d’un père.

Son métier de journalier lui donne l’excuse de s’évader, pour vendre ses qualités d’ouvrier agricole dans toutes les fermes aux alentours à la journée, avec un peu plus de chance, à la semaine ou au mois. Tout ceci rendait le retour au domicile familial au moment des grands évènements pas si facile pour l’époque.

Jules est officiellement le père de 12 enfants, toujours absent au moment des déclarations de naissance, faites par son frère Julien Léon.

Le 24 septembre 1918, il recommence et se retrouve cette fois-ci, condamné par le tribunal correctionnel de Châteaudun à 48 heures d’emprisonnement pour coups et blessures volontaires. Le pauvre homme, à croire que les horreurs de la guerre se sont imprégnées dans ses chairs et dans sa tête au point de le rendre fou !! 

En 1924, il est nommé sur l’un des actes de naissance de l’un de ses enfants comme ayant un domicile inconnu de sa famille. Mais malgré tout, il reviendra toujours.

Quelle vie !! elle aurait pourtant pu être belle cette vie, si au lieu des obus, il était tombé des étoiles filantes porteuses de rêves, et d’espoir.

Jules François est parti de ce monde, blessé, meurtri par une vie qui ne lui fut pas si facile le 16 juillet 1933, âgé seulement de 50 ans.

Quant à Renée Florentine, la grand-mère ROBINET comme on l’appelait, elle tient bien sa réputation et l’anecdote a traversé les générations : la grand-mère ROBINET a usé deux JOUIN !!!! https://aucoeurdupasse.com/2023/12/31/renee-florentine-robinet/

https://aucoeurdupasse.com/2023/11/09/h-comme-histoire-petite-ou-grande/

Lien Familial
Statistiques établies tout au long du challenge

  2 réflexions sur “52S – 52A Semaine 24 : Jules François JOUIN

  1. 14 juin 2024 à 10 h 31 min

    J’adore la conclusion !

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  2. Dominique Lenglet
    14 juin 2024 à 9 h 43 min

    La fin de l’histoire nous fit bien rire, et compense le côté très triste du récit de cette pauvre vie.

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