#Généathème, Lignée PATY, génération VI, collatéral du Sosa 33
Le thème de Geneatech pour ce mois d’octobre nous propose de sortir de l’ombre nos ancêtres et/ou collatéraux ayant eu des soucis avec la justice. Voici l’occasion de vous raconter l’histoire singulière de Pierre Léonard (Joseph) COURCIMAUX.
Cet homme n’est pas un ancêtre direct, mais parfois les recherches nous emmènent faire quelques détours du côté des frères et sœurs. C’est en recherchant sa sœur Marie Louise (Génération 6 – Sosa 33) que son nom est apparu dans l’acte de divorce de ladite sœur, qui aurait élu domicile chez son frère au moment de la séparation.
Pierre COURCIMAUX est né le 16 Janvier 1864 à Ecoman, fils de Pierre Joseph COURCIMAUX (COURCIMAULT) et Maire Louise LORY qui ont eu au moins 3 enfants. (Génération 7 – Sosa 66+67 – Branche PATY).
Mais voilà, Pierre est introuvable dans les recensements de la commune d’Ecoman ainsi que dans les tables de décès alors pourquoi il serait écrit que sa sœur a vécu à son domicile ??
Après plusieurs recherches, la fiche de matricule militaire du dit Pierre COURCIMAUX (ou COUCIMAULT selon les écrits) nous livre quelques secrets !!
Et là …. La pépite que tout chercheur aspire à découvrir au fil de ses lectures : Trouver des vestiges de la vie difficile qu’ont pu vivre nos ancêtres selon leurs origines modestes, leur choix de vie.
Notre homme est allé en prison !!
Pierre est cultivateur de souche, comme bon nombre de ses descendants, il part au service militaire dans sa vingtième année soit 1884 par tirage au sort du N° 70 dans le canton d’Ouzouer le Marché : service actif. Il est décrit physiquement comme ayant les cheveux et les sourcils châtains, les yeux gris bleu, le front rond, le nez moyen, la bouche moyenne, le menton rond, et de taille d’1.58m.
Ainsi il part pour le 6ème bataillon de chasseurs à pied le 27 Novembre 1885, comme jeune soldat appelé en Afrique du 30 Janvier 1886 au 11 Mai 1886. Il passe dans la disponibilité le 22 Septembre 1886.
Il est exclu du rang de l’armée, ayant été condamné par arrêt définitif de la cour d’assises du Loir – et – cher séance à Blois en date du 18 juin 1888 à la peine des travaux forcés à perpétuité et aux frais pour assassinat et vols qualifiés (article 7 de la loi du 27 Juillet 1872).
A bah c’est beau tout ça !!
Bon OK, notre homme n’était pas un sain qu’a-t-il fait pour en arriver là ?
De recherches en recherches, le contact est pris avec le département des archives d’outre -mer dans lequel on retrouve les dossiers des bagnards. Après bien des recherches et des jours d’attente, le précieux dossier arrive par la Poste :
Notre Pierre Léonard a été déclaré coupable d’assassinat et de vols qualifiés, condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité suivant articles 295.296.297.302.304.379.386.463.76 du code pénal.
Dans son dossier, on apprend qu’il sait lire et écrire imparfaitement, cela est certainement dû aux conditions de vie de la famille qui ne devait pas avoir, à l’époque, tous les moyens nécessaires pour envoyer les enfants à l’école. Ceux-ci étaient plus efficaces à aider leurs parents à la ferme.
Mais toujours cette même question : Pourquoi cette condamnation ?
Le 23 Février 1888, le condamné sous prétexte de rendre 10 francs à sa victime réussissait à se faire donner à diner et à coucher par le Sir ROGER. Celui-ci pris d’une vague crainte ne dormit pas de la nuit lorsque vers 4h du matin il se sentit saisi au cou et perdant sa respiration, il s’évanouit. Le dit « Coursimeau » lui vola alors une somme de 135 francs. La victime mourra dans la journée des suites de sa strangulation.
La presse a relaté les faits donnant ainsi quelques précisions complémentaires :


Le prétendu coupable avait commis depuis moins d’un an 2 vols qualifiés et deux tentatives de vols qualifiés qui n’ont été découverts qu’à la dernière heure, et auxquelles le jury a répondu affirmativement. Très dangereux, il a cherché à s’évader. Enregistré sous le N° matricule : 9913, il est écroué sans pourvoi sous le n° 4542 au dépôt le 07 Juillet 1888.
Il est embarqué le 20 Janvier 1889 de Toulon sur le dernier voyage du navire l’Orne à destination du bagne de la Guyane où il purgera sa peine. Il arrivera au port de Cayenne le 24 Février 1889.

Bagne de Guyane (aussi connu sous le nom de Bagne de Saint-Laurent-du-Maroni) :
Le bagne est créé par la loi du 26 août 1792 qui prévoit la déportation politique en Guyane des « ecclésiastiques non assermentés » puis aux ecclésiastiques dénoncés pour cause d’incivisme (loi du 23 avril 1793) et en 1795 pour les ennemis de la révolution française, mais le blocus maritime imposé par l’Angleterre ainsi que les nombreuses épidémies qui s’y développent entraînent l’arrêt de l’application de ces mesures2.
Le 22 Novembre 1850, Louis Napoléon proclamait : « 6 000 condamnés dans nos bagnes grèvent les budgets d’une charge énorme, se dépravant de plus en plus, et menaçant incessamment la société. Il me semble possible de rendre la peine des travaux forcés plus efficace, plus moralisatrice, moins dispendieuse, et plus humaine en l’utilisant au progrès de la colonisation française ».
Après avoir décidé en 1852 de faire désormais appliquer la peine des travaux forcés en Guyane française, Louis-Napoléon Bonaparte instaure la fin des bagnes portuaires (Brest, Rochefort, Toulon) au profit des bagnes coloniaux. Le 31 Mars 1852, le premier convoi de condamnés partait de Brest à destination des îles du Salut.
Le 21 Février 1858, le bagne de Saint-Laurent-du-Maroni est inauguré sur le fleuve Maroni. Il est constitué de plus de 12 bâtiments (rangées de « cases » contenant les cellules de part et d’autre de la cour intérieure, un hôpital, des cuisines, les bâtiments du personnel, lavoir et bibliothèque).
Tous les condamnés venant de la France métropolitaine débarquent d’abord à Cayenne, puis Saint-Laurent et sont ensuite répartis entre les différents camps et pénitenciers de la Guyane.
Les condamnés les moins qualifiés ou jugés particulièrement dangereux sont affectés dans les camps agricoles et forestiers. Ils sont aussi employés à la construction des routes (dont la tristement célèbre route coloniale n°1, entre Cayenne et Saint-Laurent).
Les « incorrigibles » sont internés dans un camp forestier, Charvein, et après 1909, au camp de Godeberg.
Les infirmes sont classés « aux Impotents » et regroupés au camp des Hattes.
Les lépreux sont isolés sur l’île Saint-Louis (sur le fleuve Maroni).
Les relégués sont regroupés à Saint-Jean-du-Maroni. Ceux-ci étaient presque tous employés dans l’administration (par exemple jardiniers) et étaient des hommes considérés peu dangereux. On estimait qu’ils ne tenteraient pas de s’enfuir.
Pierre Léonard faisait partie de ceux-là, il continua son métier d’homme des cultures, appelé communément journalier en métropole. Son travail était simple, il pouvait aller et venir presque librement dans l’enceinte du bagne. Sa cellule de 2 m de longueur sur 1,80 m de largeur servait uniquement pour dormir. Il avait droit à une meilleure nourriture que les prisonniers qui été tenter par l’évasion.
Vue du Camps de Saint Laurent du Maroni. Vue du Camps de Saint Laurent du Maroni.
Le 16 Mars 1880, on créa également la ville de Saint-Laurent-du-Maroni, nom donné par le gouverneur de Guyane Auguste Laurent BAUDIN, qui était une commune pénitentiaire, dont les habitants étaient presque tous des gardiens ou des bagnards libérés.
Lorsque le prisonnier a achevé sa peine de travaux forcés, il est libéré du bagne et peut en sortir nanti de son maigre pécule. Mais les libérés ne sont pas tout à fait libres, ils sont simplement passés à la quatrième classe, première section. C’est-à-dire qu’ils sont sous le coup du doublage. Ce n’est qu’après l’avoir effectué qu’ils passent alors à la quatrième classe, deuxième section. Ceux qui disposent des moyens financiers pour payer les frais d’un billet retour à bord d’un navire de la Compagnie Transatlantique peuvent alors s’ils le souhaitent retourner en métropole ou dans leurs colonies d’origine.
Mais tous les transportés condamnés à plus de huit ans de bagne sont tenus à leur libération de résider à perpétuité sur le sol de la colonie. Le doublage représente ainsi une double peine, destinée à l’origine à favoriser l’installation du transporté dans la colonie. Mais qui va dans les faits précipiter la plupart d’entre eux dans la misère.
Pierre Léonard COURCIMAULT a pu bénéficier d’une remise de peine mais avec interdiction de remettre les pieds sur les terres de la Métropole et à Cayenne. Il s’installe donc à Saint Laurent.

Beaucoup sont effectivement interdits de séjour à Cayenne et dans sa banlieue en vertu d’un décret local de 1896. Ils sont donc interdits de vivre dans la partie la plus attractive économiquement car il est très difficile pour eux de trouver des engagements dans la ville de Saint-Laurent.
Mais l’immense majorité vit dans une précarité terrible et sombre dans l’alcool et la clochardisation. Les libérés s’abrutissent de rhum et s’agglomèrent autour du marché de Saint-Laurent où ils passent la nuit. D’autres commettent des délits pour survivre ou bien s’évadent. Mais ils s’exposent alors à une nouvelle condamnation aux travaux forcés et à un retour au camp central.
Et Malheureusement Pierre fait partie de ces hommes rejetés par la communauté et condamnés à errer dans les rues et se faire rattraper par leur propre passé : Le vol pour survivre ; le vol pour se nourrir, pour ne pas mourir.
Il se retrouve ainsi à nouveau emprisonné en Octobre 1910 et condamné début 1911 à 1 an de prison.
La maladie le rattrape et le scorbut ne l’épargne pas. Mourir de faim ou mourir malade à cause de la malnutrition, de la pauvreté, du peu de nourriture qu’il arrive à trouver, Pierre Léonard COURCIMAULT s’en soucie peu maintenant, allongé sur sa paillasse médicale, le regard hagard. Il trépasse le 20 juin 1911 à Saint Laurent du Maroni à l’hôpital à 3 heure du matin.
Le bagne de Saint-Laurent-sur-Maroni ne ferme qu’en 1946, année où il cesse définitivement d’exister. Sa fermeture fut décidée par le décret-loi de Daladier, en 1938.
Triste vie tout de même mais à l’époque, il aurait très bien pu être condamné à la peine de mort, encore en vigueur en France.
L’histoire ne nous dit pas encore ce qu’est devenu sa sœur…
Nota : Les modifications orthographiques du nom de famille sont diverses et variées selon le document observé.